Déni de Grossesse et responsabilité pénale : Peut être un grand pas en avant.

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Le 7 septembre 2012, la Cour d’Assises de la Gironde a acquitté Aline, poursuivie pour le meurtre de son enfant, en reconnaissant que son déni de grossesse initial et sa détresse absolue lors de l’accouchement correspond « à un trouble psychique ayant aboli son discernement », cause d’irresponsabilité pénale.

Si la Cour, après avoir écarté la qualification de meurtre sur mineur de moins de 15 ans pour retenir celle de la privation de soins, estime que le déni ne peut être considéré en lui même comme une situation qui mettait Aline dans l’impossibilité totale de faire face à aux obligations de soins vis à vis de son bébé qui s’imposaient à elle, les circonstances de la délivrance justifient la reconnaissance d’un trouble psychique au moment des faits.

Il s’agit d’une décision importante, mais non définitive, la Cour jugeant  que l’état de détresse absolue, de panique et la douleur physique de cette jeune femme dont la conscience avait été occultée avant la délivrance (déni de grossesse) caractérise un trouble psychique ayant aboli son discernement au sens de l’article 122-1 du Code Pénal.

N’est ce pas là la description de l’état dans lequel la grande majorité des femmes ayant souffert du syndrome du Déni de grossesse mettent au monde l’enfant qu’elles n’attendent pas ?

Pour prendre la mesure de cet arrêt, il faudra désormais attendre la décision de la Cour d’Assises statuant en appel, car le Parquet Général en a  interjeté appel.

Un article du Journal Sud Ouest (Florence Moreau) a retranscrit les débats en ses termes :

“Aline, 26 ans, était jugée depuis mercredi par la cour d’assises pour meurtre sur mineur. Son enfant avait été retrouvé dans le bac à recyclage.

Infanticide – plus exactement néonaticide – ou déni de grossesse ? C’était l’enjeu du procès d’Aline, Langonnaise de 26 ans, jugée depuis mercredi par la cour d’assises de la Gironde après la mort de son nourrisson le 5 avril 2010 à Langon.

Une lourde tâche pour les jurés et la cour qui ont finalement estimé, au terme de leur délibéré, que l’accusée avait souffert d’un déni de grossesse et d’un« état de détresse absolue » qui avaient aboli son discernement au moment des faits. Ils ont donc logiquement acquitté la jeune femme.

Dix à douze ans requis

C’est seulement à l’hôpital où elle avait été admise ce jour-là avec une hémorragie importante, que la jeune femme aurait appris qu’elle venait d’accoucher ! « D’un fils, né viable et à terme », conclura l’autopsie du petit corps, retrouvé dans un bac de recyclage, recouvert d’un linge. Comment est-il mort ? Qu’en a-t-elle fait ? Aline ne se souvient pas, ne fait pas le lien entre son corps et ce petit être qu’une messe baptisera et enterrera.

Peut-être un déni de grossesse, sujet tabou, symptôme, syndrome pas encore tout à fait identifié ni défini. Impensable, indicible. Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste, à l’hôpital Mère Enfants du CHU de Nantes, auteur de différents livres sur le sujet, est venue mettre des mots sur ces maux. « L’horreur du réel dans laquelle la femme est précipitée. »

Gestes ralentis, tremblante dans son box, d’une vulnérabilité apparente désarmante, plongée dans une détresse abyssale, Aline a visiblement convaincu ses juges.

Jeudi soir pourtant, l’avocat général, Dominique Hoflack a dressé le portrait d’une accusée manipulatrice, changeante, menteuse d’habitude. « Ni un monstre ni une icône ». La magistrate refuse de « faire de ce procès un remake du procès Courjault en 2009. » Depuis lors le déni de grossesse a fait son entrée dans les prétoires et serait selon elle brandi à la moindre occasion.

« Déni de justice »

L’avocat général ne croit pas au déni de grossesse – pour elle, l’accusée ne pouvait ignorer qu’elle était enceinte – et requiert entre dix à douze ans de réclusion. « Pourquoi cette horreur qui consiste à donner la vie et la mort dans un trait de temps imperceptible ? »

Le bâtonnier Michel Dufranc qui défendait Aline, a d’abord retracé l’histoire de sa cliente. Une enfance marquée par la culpabilité d’avoir tué sa sœur jumelle in utero, par une agression sexuelle,une adolescence consacrée à sa mère malade. Un lourd bagage.

Surtout, l’avocat a rappelé le droit français : ce n’est pas à lui de prouver l’innocence de sa cliente mais à l’accusation de prouver sa culpabilité de mère infanticide. Or, il ne voit rien. À sa suite hier, Me Servan Kerdoncuff a proposé une exégèse des réquisitions de l’avocat général. Et parle de « déni de justice », de « déni de déni ». Ce qui fait marmonner l’avocat général. Avec feu et foi, l’avocat fait la liste des doutes, des peut-être et peut-être pas. Et s’offusque. Il croit et défend la thèse du déni de grossesse. Et assure ne pas « la brandir comme un blanc-seing, comme un permis de tuer ». S’inspirant du vif débat expertal sur le sujet, il estime que le déni de grossesse peut être une cause d’abolition du discernement d’Aline.

La cour après en avoir délibéré a admis dans ses motivations « l’existence d’un véritable déni de grossesse ». Jusqu’en février 2010. « Au-delà, Aline n’a pu véritablement ne pas avoir conscience qu’elle se trouvait enceinte, même si elle continuait à se comporter comme si elle ne l’était pas, et a pu arriver à en douter elle-même ». Loin de penser en tout cas qu’elle arrivait bientôt au terme de sa grossesse.

En l’absence de traces de lésion sur le bébé, « face à ces incertitudes et alors que les experts admettent comme possible qu’Aline ait véritablement occulté et enfoui dans son subconscient une scène trop traumatisante pour elle, ce qui l’empêche d’expliquer les gestes qui ont été les siens juste après l’accouchement, la cour et le jury n’ont pas retenu le crime de meurtre ». Déni de grossesse initial et détresse absolue correspond « à un trouble psychique ayant aboli son discernement ». D’où l’acquittement.